top of page

Brouillons

Son corps demeurait inerte sur le sol, telle une feuille sur un terrain de paille.

Ses cheveux paraissaient plus noirs que d'habitude mais entouraient, ou plutôt étouffaient son visage si doux en apparences. Ces yeux, clos, ne laissaient plus apparaitre ses pupilles d'un bleu si intense qu'on pouvait autrefois croire que ce garçon était le créateur des océans. Ce bleu, lueur de l'espoir, s'était éteint. L'espoir que ce garçon ressentais chaque jour de sa misérable vie avait disparu. Tout ce qu'il restait, c'était ces paupières closes et reposées, et puis ces lèvres que personne n'avait touché avec les siennes. No son père, ni moi sa mère, ni personnes d'autres. Ses lèvres étaient abimées, comme si un homme, la nuit dernière, avait tiré ces lèvres pour faire parler le jeune homme, à présent muet à jamais. Son cou portait des rayures rouges. Non, c'était plutôt des traces rougeâtres qui étaient restées gravées, car toutes les blessures qu'il avait subi toute sa vie étaient restées gravées en son épiderme, ou même pire: en son cœur. Puis je prolongeais mon regard vers son épaule dénudée par son Tee-shirt sombre et je vis que son bras était bleu. Je n'avais encore jamais vu cela, et je pense qu'aucun médecin légiste n'a vu ça dans sa vie. Son bras exhibait une surface bleu sombre, qui virait au violet ou au noir, comme on peut voir la rivière bleu sombre dans Le Cri de Munch. Seule sa main, qui dégageait une atmosphère glaciale comparable à la vie du jeune homme, était d'un pâle, plus clair que la couleur blanche des porcelaines chinoises. Je croyai vraiment que mon fils avait commencé un processus de pétrification par sa main, celle qui désignait sa mère, qui me désignait, comme s'il voulait me demander: "Pourquoi vous, mère?"

Car moi, Intone Elerance, mère de Pierre Dunon, j'ai tué mon fils. Je parcourait la chambre du regretté, j’examinai ces murs de pierre. Gris comme la couleur de ses pieds et du parquet, ces murs étaient glacials à leur touché: lorsqu'on appuyait ses doigts contre ces parois, on avait l'impression de vire la vie du jeune

bottom of page